Réveil. Dur dur.
Il fait un vrai froid de canard dehors, tout est gelé...Petit déjeuner pas trop mal. Le chef cuisinier embauche à 9 heures, j'arrive à négocier du jambon blanc en plus. Je prends mon petit déj à côté d'une grande pièce vitrée renfermant des oiseaux, (perruches). Encore un truc plutôt apaisant. J'avais une belle boule au ventre ce matin au réveil: le stress que mes chevilles m’abandonnent.
Je sors de l'hôtel avec Jolly Jumper et un vieux monsieur m'aborde directement en me demandant si je suis "le vendeur de pièces"?
Oh oh, je commence à fatiguer ou bien? Je suis le vendeur de quoi?
" Les pièces de monnaie." Il regarde Jolly Jumper... Je comprends. Il m'a pris pour un marchand ambulant.... Pété de rire. Je lui explique gentiment, il me regardera partir un peu septique.....
-"mais le moteur? ... ah!mais non, c'est pas possible en roller...."
-" si si monsieur... "
Je saute vite fait à la maison de la presse ou j'achète ma seconde carte.... je vais bientôt être à l'aveugle. Je me fais interpeler par un parisien qui a fait le Mans , les randos de Paris coquillage et crustacés... bref sympa.
Et c'est reparti. Je suis gelé. Je sors mes gants, le collier en polaire... Beaucoup de mal à me réchauffer. La route est givrée par endroits... Mes roues n'accrochent vraiment pas du tout... Bref. Démarrage très cool. Je m'arrête prendre un joli petit château en photo.
Je suis sur une départementale (une principale , en rouge sur la carte). Ce n’est pas cool du tout, les gros camions ont tendance à faire vaciller Jolly jumper. Je trouve enfin une petite route. Je teste la méthode Youbienne pour Jolly Jumper... Pas terrible, Jolly se rebife, le compteur me dit, ce n’est pas bon et moi je ne suis pas à l'aise. On laisse tomber et je reprends ma pompe.
Arrive un fabuleux billard en montée. Je retente l'opération et là ce n'est plus l'impression d'avoir un SD mais réellement un cheval fougueux entre les mains. Je le lâche littéralement... je ne lui donne que de toutes petites impulsions pour le guider. Vraiment l'impression d'être derrière un animal qu'on dirige. Il se cabre, dévie légèrement. Je finis par jouer avec les petits doigts. Géant. MERCIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII Youb.
Je sors de la presqu’île du Rhuys et arrive dans la ville de Muzillac. Ce sera l'un d'un des plus grands moments de douleurs. Mes chevilles hurlent littéralement. Comme toujours, ma bonne étoile qui me suit, m' envoie le coup de pouce qu'il me faut. Un petit parc tout calme avec un petit étang et cerise sur le gâteau, un muret au bord de l' eau.
Je me gare, cours (c'est le terme) vers l'étang.... déchausse et tel un maréchal-ferrant, qui plonge son fer brûlant dans l'eau, j' immerge immédiatement mes pieds dans l'étang (marrant, je m'attendais à voir l'eau bouillonner). Aucun poisson ne remontera à la surface , aucun mort à déplorer... c'est déjà çà.
Elle est tout de même très fraîche mais çà soulage. Je sors les pieds de l'eau et comme à Carnac, je marche dans l'herbe. Je ferai l'opération 3 fois... La dernière pour enlever l'argile....
Je vais déjà beaucoup mieux. Je rejoins le centre-ville à pied (200 mètres) et tombe sur une petite place très sympa avec une terrasse: petit café et belles rencontres. Une maman qui fait du rollo avec sa fille de 6 ans et un monsieur qui ne marche plus depuis 4 mois... il s'est cassé les deux chevilles. Ils me donnent de très bon conseils sur la route à suivre.
Ce monsieur sera un soutien spirituel pour la suite de ma route. Chaque fois que la douleur pointera le bout de son nez, je penserai à la chance que j’ai, face à cet homme... il me regardait simplement, envieux. J'ai souvent pensé à Gwen aussi, qui sait, plus que bien des gens ce qu'est la vraie douleur. Je suis une vraie chochotte. Quand je dis que je souffre le martyr, je suis généralement à 4 sur 10.
Ce seront encore de petits repères qui ne me feront pas lâcher prise.
Je traverse un champs d' éoliennes ou je me fais bien bracer... très très drôle.
J'arrive dans le village suivant: Arzal. Ici se trouve la seconde barrière naturelle qui me fait peur. Le barrage d'Arzal. Tout compte fait, çà se passe très bien, çà n'est qu'un pont à élevation. Ouf. Je continue (joli petit port au passage).
Arrive le village d'Asserac. De partout je vois des panneaux "déviation, routes barrées..." Mais Antoine, c'est un superman, un costaud... il passera quand même... Pas finot pour deux sous... Je continue tête baissée. 8 km de gratons et j'arrive face à une énorme descente....
là me vient un doute... et si....
Un vieux monsieur repeint son portail et je l'interroge. En bas de cette descente, il y a un fleuve, sur ce fleuve, il y a un pont... mais le pont, il n'est pas la, on le répare.............................
Antoine tu es un blaireau.....
Je discute avec mon vieux monsieur qui me dit : « pas le choix, faites demi-tour.... »
Je lui montre sur ma carte une route qui pourrait me raccourcir et me faire éviter de reprendre 8km de gratons. Il me déconseille ce raccourci, me disant que la route est mauvaise.
Vu que ma stupidité ce jour là était sans limite, je ne l'écouterais pas... et je prendrai le raccourci de l'enfer menant à Pompas. Très belle leçon de vie que cette route.... :"Tu apprendras à écouter les gens qui savent, Antoine. Tu n'es pas obligé mais tu en subiras les conséquences. A partir d'aujourd'hui j'écouterai les petits vieux.
Bref, je paierais très cher cette leçon de vie. L’abomination ultime des routes françaises....le moral est au ras des pâquerettes et comme toujours, ma petite étoile est passée par là... Je dépasse le premier truc en mouvement pour la première fois de tout mon voyage (hormis une poussette). Une faucheuse qui désherbe le fossé (8kmh).... riez, riez.... çà me fera tellement de bien que je repars de plus belle.
Je m'enfile deux tubes de confiture à l'abricot. Jolly Jumper comprend le message directement, nous arrivons sur une superbe départementale.... Je ne vous dis pas ce qu'on s'est mis derrière l'oreille après pas loin de 10 km de gratons. Encore un moment purement orgasmique. Route terriblement fréquentée mais tellement large que j'ai bien 1 mètre de marge. La route devient peu à peu plus étroite. Cà commence à moins me plaire d'autant plus que la méthode Youbienne pour diriger Jolly Jumper nous fait prendre un peu plus de place sur la route....
Une route sur le côté toute neuve se dessine au loin. Je regarde ma carte, une petite départementale longe ma route. Çà ne me plait pas, elle est blanche sur la carte. Une voiture arrive. Je lui demande comment est le revêtement... Bien sûr, il me répond que c'est cool.... Qui peut savoir en voiture comment est le revêtement. Aujourd'hui je mérite bien le titre d'empereur des idiots au royaume des cons. Je joue la carte de la sécurité. Et hop , Verdun.... sans les obus....
C'est vraiment pas la fête quand tout à coup apparaît une blonde qui fait son jooging , 25 ans, belle comme le jour (c'est toujours ma bonne étoile qui me suit) elle s'arrête, on commence à discuter. Son parfum (depuis que j'ai arrêté de fumer, je suis très sensible) est tout simplement délicieux et rassurant à la fois. Elle m'indique comment rejoindre Guérande. Encore une superbe rencontre. Harassé de ces chemins à 4 grammes qui m'ont fait perdre toutes mes forces aujourd'hui, je prends la nationale.... et non, y a pas de limite à la connerie...
Je longe Guérande et entre dans la Baule par le périf...je suis tétanisé de peur.... çà déboule de partout. Je me fais klaxonner de toutes parts et pour une fois, je dois l'admettre, je suis un grand malade, je n'ai rien à faire ici.
Je persiste jusqu'à un rond-point où je vois une deux fois deux voies limitée à 110. Enfin je descends de mon nuage delirium et je décide de prendre une toute petite route. Je suis rincé. J'entre à la Baule par une toute petite rue.
Je tombe sur un homme de 40 ans. Pas possible, il s'est vidé une bouteille de Pastis sur la tête ou bien il se parfume à la fleur d'Anis (pas de lapsus s'il vous plait...). Bref mon gaillard est rond de chez rond... je lui demande où trouver un hôtel pas trop cher à la Baule.
Grosse concentration... il s'accroche au muret pour ne pas tomber et à ma grande surprise me répond après une belle méditation et deux trois rots....
-" va pas à la mer....c'est pour les bourgeois. Toi tu es un gars du peuple... va à la gare....C'est à deux pas... et il y a un bar sympa à côté, "
Superbe rencontre encore une fois... Bingo, la gare est juste au coin de la rue comme indiquée.
L'hôtelier y est adorable et j'arrive encore à négocier une chambre (en mode ouvrier).
Jolly Jumper dormira cette nuit en cuisine. Moi, même méthode que d'habitude.... Le seul petit hic, la douche ou le bain magique ne fera pas son office ce soir. La douleur est là. J'ai beaucoup de mal à marcher. On a discuté un peu avec l'hôtelier (chef de cuisine). Il sait que j'ai fait de très belles maisons et çà s'en ressent dans l'assiette.
Très bon repas. Coup de fil de maman.... :
-"oui, je lave mon linge, j'étais à l'entraînement de roller tout à l'heure. Oui il fait beau à Morlaix.... "